Steppetrek
Le plan: 4 jours pour faire une bonne centaine de kilomètres, passer de la province d’Hovsgol à celle d’Aranghaï et trouver une voiture pour partir vers l’ouest, mais surtout, explorer ce grand désert qu’est la Mongolie toute entière et rencontrer ceux qui le peuplent.
La première journée me donne deja une des plus belles définition de l’automne: les nuances de vert et d’orange accrochées aux arbres contrastent avec le bleu profond des torrents et le vert mat de la steppe qui clignote au gré des nuages. Le temps de sortir mon appareil le paysage a déjà changé et c’est un autre élément du decor qui est sous les feux de la rampe.
En passant à moins de 100 metres d’une yourte, vous avez 80% de chance de vous faire inviter, la légendaire hospitalité mongole n’est pas une légende et après la marche, on se découvre des dispositions particulières pour le thé au lait, le lait fermenté séché plus dur que du parmesan centenaire, les galettes et la pâte de lait à tartiner dessus. Les yourtes sont des cremeries ambulantes. Dans la famille de ce soir, ils restent trois mois a chaque endroit et déménagent avec le camion qui dort dehors a côté du panneau solaire. Quand on réfléchi à comment je pourrai leur envoyer la photo, ils me disent que le plus simple c’est que je revienne l’année prochaine, même période, même endroit, ils seront là.
Je ne suis pas très loin du bout de la première vallée et il commence à être une heure de pause déjeuner. Par une chance qui est assez culturelle ici, en retour d’un coucou vers une yourte je reçois ce moulinet du bras qui n’est autre qu’une invitation. Le souci c’est qu’il y a une rivière entre eux et moi. Ni une ni deux le gars balance ses bottes de mon côté. Ça vallait le coup parcequ’on a bien rigolé sous la lucarne céleste de leur belle yourte. Après avoir réexpédié les bottes, je dois poliment décliner les invitations des nouveaux moulineurs, j’ai pas beaucoup avancé sur l’itinéraire avec tout ça.
17h, bon terrain de camping mais les 12 kilomètres du jour me semblent peu héroïques et je décide de m’enfoncer dans cette sombre vallée qui ressemble à un raccourci sur l’image floutée de google satelite. Apres quelques mètres me voila les pieds dans un marécage. De nature entêté je continue à m’enliser en gardant le cap. Ma progression est lente, la gadoue laisse place à des sous bois pentus et rocailleux ou je lutte avec mes 18 kilos de barda. A un moment de l’ascension je retrouve le soleil qui se planquait derrière la montagne d’en face. L’espoir me tire jusqu’en haut sur le plateau que je visais et que j’atteins à bout de force, avec juste assez de jus pour planter ma tente entre des gros cailloux. Enfin couché je pense aux trois petits cochons, au chaperon rouge et à toutes ces histoires et chansons sur le grand méchant loup, puisqu’il parait qu’il y en a dans les parages. Inutile de raconter ce moment assez ridicule, maintenant que j’ai survécu, où j’ai écrit un vague testament avant d’essayer de m’endormir, ça nuirait à la virilité du récit. Reste que les montées d’adrénaline à prendre les coups de vents sur la tente pour des rôdeurs mal intentionnés restent le moyen le plus efficace de chauffer un sac de couchage.
Arrivé en Aranghaï, face à une longue descente vers le lac blanc, j’estime qu’il est l’heure du riz. C’est là qu’un cavalier fait son apparition. A cours de conversation au bout d’une minute, je lui propose du riz, bien décidé à montrer que je sais aussi faire preuve d’hospitalité. Le gars est patient, regarde au loin, sourit poliment mais faire cuir du riz pour deux personnes dans une tasse en alu avec un feu de bois faiblard c’est long, pour pas dire interminable. In extremis je lui tends une tasse de thé de consolation avant qu’il se remette au galop.
Les derniers jours sont couverts, froids et humides, l’accueil dans la yourte n’est pas loin d’être salutaire. Il y a toujours malgré tout un moment de grâce à la fin de la jour où le soleil réussit une percée et parvient à enchanter jusqu’aux rues de Tariat, ligne d’arrivée où je suis accueilli par une un lit, une douche chaude et une lumière mystique.