Sur la route du Karakoroum
Les touristes n’aiment pas bien qu’on les prenne pour ce qu’ils sont. Alors, comme face à la vendeuse de godasses sans client qui demande si elle peut vous aider, j’envoie gentiment bouler les types qui me proposent un hébergement avant que j’ai pu récupérer mon sac. Je ne suis pas un touriste facile messieurs.
J’entame donc un tour du lac avec mon paquetage qui ne me pèse plus tant que ça et le soir venu je mets le cap sur le village loin des installations touristiques. Une petite dame kirghize m’invite à entrer dans la pièce à vivre où deux adorables marmots regardent les dessins animés. Le poil ronronne comme tout le monde. En plus d’être souriante, madame cuisine divinement et elle me propose de rester dormir. Quelques minutes plus tard le mari fait son apparition, son visage m’est familier et je le remets quand il me dit qu’il bosse dans le tourisme. Je saisis que le plan hébergement vient de changer et je retrouve le grand air avec quelques heures en plus et quelques degrés en moins.
Le matin la bouteille d’eau contient d’intriguants cristaux et je comprends pourquoi malgré mes trois paires de chassettes le sommeil fut léger du haut de ces 3700 mètres. Le vent pimente le rangement des affaires d’autant que mes paluches ne répondent plus aussi bien. Autant dire que je suis content quand Jordi le bienveillant s’arrête pour me laisser grimper dans sa cabine, m’offre du café et met le chauffage à fond pour réanimer mes doigts. Quand je sors l’enregistreur il cherche la meilleure chanson tadjik sur sa clé usb et monte le son. Après être brièvement retourné sur le trottoir du frigo, l’Histoire se répète avec Chen qui m’emène à Tashkurgan. Il n’y a pas de meilleur poste d’observation de la vallée du Pamir que derrière la baie vitrée d’un semi-remorque.
Quand j’arrive dans le chef lieu du conté tadjik autonome, la bourgade est en travaux: des hôtels poussent de tous les côtés du centre et la vocation touristique de l’endroit semble avoir été décrétée par les autorités qui ont aussi lancé le chantier de la folklorisation des minorités. Passant sous un portique pseudo tribal en fausses pierres, je tombe sur une pancarte m’invitant à pénétrer dans la zone où vivent des hommes de race indo-européenne aux traditions ancestrales à préserver. Je m’engage, tout exité à l’idée de vivre mon premier safari humain et suis vite déçu. A l’intérieur, c’est comme n’importe quel autre coin de Tashkurgan avec des poubelles et des pencartes en plus. L’une d’elles dit “tourist accomodation” et je passe une tête dans la cour mais personne ne semble au courant, ce qui traduit j’en ai bien peur, un manque d’implication des populations locales dans le projet de réserve.
Je m’en remets donc à une valeure sûre pour trouver un coin où dormir: la balade. Et vingt minutes plus tard j’ai un petit bout de gazon moelleux près de la rivière.